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liste_ygg - [liste_ygg] Patrick Weil : « Cette loi, qui vise à faire régresser l'immigration irrégulière, va en réalité l'encourager »:

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[liste_ygg] Patrick Weil : « Cette loi, qui vise à faire régresser l'immigration irrégulière, va en réalité l'encourager »:


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  • From: Yves Grosset-Grange <ygg@retzien.fr>
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  • Subject: [liste_ygg] Patrick Weil : « Cette loi, qui vise à faire régresser l'immigration irrégulière, va en réalité l'encourager »:
  • Date: Mon, 8 Jan 2024 22:42:23 +0100
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Bonjour à tous

Bonne lecture de cet entretien publié par L'Obs le 22/12/2023.

Cordialement
Yves GG

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Patrick Weil : « Cette loi, qui vise à faire régresser l’immigration irrégulière, va en réalité l’encourager »

L’historien et juriste Patrick Weil chez lui à Paris, le 14 juin 2023. (IORGIS MATYASSY POUR « L’OBS »)

Selon l’historien et juriste, spécialiste de l’immigration, le texte adopté mardi au Parlement remet en cause le droit du sol et d’autres principes fondamentaux de la République. Il risque de conduire à une augmentation des personnes en situation irrégulière, soit l’inverse de l’objectif poursuivi. Entretien.

Propos recueillis par Pascal Riché

·Publié le 22 décembre 2023 à 12h57·Mis à jour le 28 décembre 2023 à 13h11  Temps de lecture 6 min

 

L’historien et juriste Patrick Weil est directeur de recherche au CNRS et professeur invité à l’université Yale, aux Etats-Unis. Il a siégé au Haut Conseil à l’Intégration entre 1996 et 2002 et à la commission Stasi sur la laïcité en 2003.

Auteur de nombreux ouvrages, dont « la France et ses étrangers. L’Aventure d’une politique de l’immigration de 1938 à nos jours » (Gallimard), il est l’un des meilleurs spécialistes des politiques de l’immigration. Son jugement sur la loi votée mardi 19 décembre au Parlement avec le soutien du parti Les Républicains (LR) et du Rassemblement national (RN) est sévère.

La suite après la publicité

Cette loi sur l’immigration représente-t-elle un tournant, voire une déchirure, dans le pacte républicain ? Patrick Weil C’est la première fois que le Rassemblement national participe, par ses idées ou par ses votes, à l’adoption d’une loi. Il en a influencé le contenu, il a contribué à son adoption. En soi, c’est un tournant. Sur le fond, ce texte est en rupture avec un certain nombre de traditions et de principes fondamentaux. La principale entorse, selon moi, c’est la remise en cause du droit du sol, ce principe selon lequel une personne née en France de parents étrangers a vocation à appartenir à la communauté nationale. Le principe a été rétabli par une grande loi républicaine de 1889, après une parenthèse de quatre-vingt-six ans [ouverte par le Code civil de 1803-1804]. Aujourd’hui, l’article 21-7 du Code civil dispose que « tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans, depuis l’âge de onze ans ». La commission mixte paritaire a ajouté les mots : « à condition qu’il en manifeste la volonté », sans aucune précision.

En 1993, la droite avait déjà supprimé l’automaticité de l’acquisition de la nationalité pour les enfants nés en France (la gauche l’a rétablie en 1998), mais, au moins, sa loi précisait que la démarche devait être faite « entre 16 et 21 ans », soit pendant une période commençant deux ans avant la majorité et se terminant trois ans après. Avec ce nouveau texte, rien de tel : on ne sait pas quand la demande de nationalité doit être formulée.

Les conséquences peuvent être très graves. Déjà, entre 1993 et 1997, on avait constaté qu’une part non négligeable des jeunes concernés (en particulier dans les familles modestes) n’avaient pas fait la démarche, faute d’être correctement informés. Mais si, dorénavant, on empêche les majeurs de faire la démarche, ce phénomène s’aggravera. La nouvelle loi va déstabiliser une partie de la jeunesse, celle qui est la moins informée, la plus fragile. Des enfants nés dans notre pays vont se retrouver avec le statut d’étrangers sans l’avoir voulu. Ce dispositif est le plus restrictif pour l’accès à la nationalité d’enfants nés en France de parents étrangers depuis 1889. Le gouvernement ne pourra-t-il limiter les effets nocifs de cette mesure par décret, en fixant un délai assez long pour entreprendre la demande de nationalité ? Non, car un tel décret pourra être effacé par un autre décret pris par un prochain gouvernement. Le domaine ne me semble pas de la compétence de ce dernier. L’article 34 de la Constitution dit clairement que c’est le législateur qui fixe les règles en matière de nationalité. Ici, le texte, flou, laisse trop de liberté au pouvoir réglementaire. Le Conseil constitutionnel ne devrait pas accepter cela. Quelles sont les autres mesures qui posent problème ? Le texte rompt avec la loi du 25 juillet 1952 qui organise la procédure de la demande d’asile en France. Elle avait prévu que lorsqu’il y a un recours, en cas de rejet par l’OFPRA (Office français de Protection des Réfugiés et Apatrides) d’une demande d’asile, la Cour nationale du Droit d’Asile (CNDA) soit composée de trois membres : un magistrat, un représentant du HCR (Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations unies) et un représentant de l’administration. Désormais, le magistrat décidera seul, sauf s’il demande à être accompagné. Les conséquences de cette prétendue « simplification » peuvent être dramatiques. On a aboli la peine capitale en France, mais une décision d’expulsion, fondée sur une mauvaise évaluation des risques encourus, peut condamner à la mort un demandeur d’asile. C’est pourquoi il vaut mieux décider à trois, avec un représentant du HCR. Même en cas d’afflux de demandes, ce n’est pas si compliqué, c’est une question de ressources pour créer des instances de jugement supplémentaires. Autre point inacceptable : la rupture avec le principe de l’inconditionnalité de l’accueil-hébergement de tout sans-abri. La loi l’interdit désormais à toute personne visée par une obligation de quitter le territoire français (OQTF), sauf dans l’attente de son éloignement. La loi avalise-t-elle la « préférence nationale », chère au RN ?

L’égalité de traitement entre les étrangers en situation régulière et les Français est supprimée pour les APL (aides personnalisées au logement) ou les allocations familiales. Elles ne seront accordées qu’après une durée de séjour de cinq ans, durée réduite en cas d’emploi.

En intégrant la « préférence nationale », le texte ouvre une brèche dans une législation qui respectait jusqu’alors l’égalité. Cette approche est désormais avalisée par les députés macronistes. Et si un gouvernement dominé par le RN devait arriver au pouvoir, il pourra dire : « Je ne fais que continuer ce qui a été commencé. »

 

La majorité, lors des négociations parlementaires, a accepté des mesures demandées par la droite tout en sachant pertinemment qu’elles seraient rejetées par le Conseil constitutionnel. Emmanuel Macron a assumé cette approche dans l’émission « C à vous » sur France 5, mercredi 20 décembre, au lendemain du vote du texte. Cette instrumentalisation du Conseil est-elle condamnable ? Le pouvoir s’essuie les pieds sur le Conseil constitutionnel, et cela doublement. Il lui demande de nettoyer, a posteriori, les salissures de cette loi. Ce faisant, le Conseil constitutionnel subira les contestations en légitimité de LR et du RN. Ils appelleront à la révision de la Constitution. Ce dangereux cynisme témoigne du peu de respect qu’a le président actuel pour l’Etat de droit. Vous avez écrit, sur X (anciennement Twitter), que la loi votée par le Parlement était « un mélange inédit d’inhumanité et d’incompétence ». Pourquoi « incompétence » ? Parce que cette loi, qui vise à faire régresser l’immigration irrégulière, va en réalité l’encourager. Pour commencer, Emmanuel Macron, dans le sillage de Nicolas Sarkozy, a laissé toute la politique de l’immigration sous l’égide du ministère de l’Intérieur. Or ce ministère sait peut-être gérer la police, mais il ne sait gérer ni la diplomatie, ni le marché du travail, ni l’université et la recherche. Or, pour lutter contre l’immigration irrégulière, ces champs sont beaucoup plus importants que les OQTF dont on a vu la faible efficacité. Faute d’une bonne coopération internationale, nous récupérons trop d’irréguliers que nous avons ensuite énormément de mal à renvoyer dans les pays d’où ils viennent. Cette coopération est nécessaire avec nos voisins européens (Italie, Espagne…) dans le cadre d’accords qui viennent juste d’être révisés. Mais c’est valable aussi avec les pays d’où ces migrants sont originaires, comme ceux du Maghreb. Si ces pays n’acceptent pas de recevoir les personnes expulsables, aucune loi ne permet de les y forcer.

Loi sur l’immigration : une déchirure historique dans le pacte républicain

Par ailleurs, faute d’avoir correctement préparé ce texte avec d’autres ministères, plusieurs dispositions de la loi vont encourager l’immigration irrégulière. L’annonce de quotas de travailleurs étrangers va ainsi être reçue, partout dans le monde, comme une invitation à venir en France. Aujourd’hui, vous ne savez pas très bien comment obtenir un titre de séjour en France. Demain, lorsque depuis votre pays vous entendrez sur RFI que la France va délivrer 10 000 ou 15 000 titres de séjour, vous serez incités à tenter votre chance… On sait bien que le système des quotas, qui existe aux Etats-Unis et a existé en Italie ou en Espagne, démultiplie le nombre d’arrivées d’étrangers et, au final, favorise l’immigration irrégulière. Ce n’est pas tout. En freinant l’arrivée des étudiants étrangers, avec des frais d’inscription plus élevés et une « caution », non seulement le pouvoir nuit au rayonnement et au développement de la France, mais il favorise aussi l’immigration irrégulière. Ces étudiants étrangers travaillent souvent à mi-temps légalement dans l’hôtellerie, la restauration ou les hôpitaux. Faute d’étudiants, nombre de ces établissements feront appel à des immigrés sans papiers et sans qualification. Clemenceau avait raison : « Inutile de demander une loi pour avoir l’air de vouloir faire ce qu’on aurait pu faire jusqu’à présent sans aucun texte nouveau. » Cette loi a été faite pour camoufler l’absence de priorité et de résultats dans la politique d’immigration depuis quelques années. Au final, elle va mécontenter tous les Français : ceux qui sont attachés aux droits humains comme ceux qui sont attachés à un meilleur contrôle de l’immigration. C’est la garantie d’une colère démultipliée, sur ce sujet, dans les années qui viennent.  

Propos recueillis par Pascal Riché



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  • [liste_ygg] Patrick Weil : « Cette loi, qui vise à faire régresser l'immigration irrégulière, va en réalité l'encourager »:, Yves Grosset-Grange, 08/01/2024

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